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Opinion

Une fin d'après-midi parfaite

Isabelle Guisan, Journaliste - lun. 01/01/2024 - 14:19
Corps et âme, la chronique d'Isabelle Guisan.
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De l'art de tenir des toilettes publiques propres à Tokyo, trame du dernier film de Wim Wenders. © Juergen Sack/iStock

Découvrir un film récent du fond d’un fauteuil confortable, c'est parfois la joie à l'état pur. Perfect Days de Wim Wenders, vu dans un cinéma quasi désert par une après-midi glaciale de fin novembre. Le film m’a happée, tout m’a comblée. La qualité du son, le fil de l’histoire aussi simple qu’étonnante, le grain de l’image, le sourire imperceptible qui s'épanouissait sur le visage du héros. Un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo. Un virtuose du vivre au jour le jour. 

Il glisse dans la grande ville au volant de son van rythmé par les plus beaux tubes des années 70-80. Sa musique. On pénètre avec lui dans de magnifiques toilettes publiques, des œuvres d'art architecturales où son chiffon surfe sur les céramiques des cuvettes de WC. Il jongle avec son matériel, peaufine ses rituels et, avec lui, nettoyer des chiottes est un art martial tranquille. Même ramasser les ordures qu'on devine sans les voir devient une chorégraphie. La souplesse de son corps mince et encore musclé à plus de soixante ans nous méduse. Agenouillé devant un pissoir, imperturbable quand le bouscule un passant pressé, il cultive le geste efficace, le mouvement utile. On ne le plaint pas d'exercer ce métier, on l’admire.

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Le personnage incarne «maintenant est maintenant, la prochaine fois est la prochaine fois»”

Isabelle Guisan

Perfect days est un film total. La ville, l'autoroute, les lumières et les ombres du jour et de la nuit, les gens croisés quasi sans paroles. Arbres, ciel, visages, livres et chasses d’eau filmés avec le même amour du cadrage, le même soin pour l’image. A la fin, l’homme parle, s’amuse, propose à un inconnu de jouer avec leurs ombres. Dans cette ode à l’accueil de ce qui se donne, juché sur son vélo comme dans son van bleu, il incarne «maintenant est maintenant, la prochaine fois est la prochaine fois». 

En quittant le cinéma, je m’accorde un panini dégoulinant de fromage fondu dans un café où on reçoit comme à la maison. Puis balade dans les feuilles mortes mouillées au bord du lac. Ça caille, j'ai mal au dos, mon voisin au cinéma toussait fort. Mais voir ce film, mordre dans le panini et traîner les pieds dans les feuilles mortes, c’était beau en cette fin 2023.

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