Martina Chyba: «J’ai testé pour vous... la sortie en raquettes»
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J’aime le ski et la course à pied, et j’ai pratiqué dans une autre vie, au temps du crétacé, le tennis de compétition. Mais j’avoue que je n’ai jamais mis une raquette au pied. Pourtant, c’est une activité win-win, comme on dit aujourd’hui: pas cher, pas polluant, dans la nature, bon pour le cardio, pour les jambes, ça fait même travailler les bras, ce qui n’est pas inutile à l’âge où on se retrouve avec des ailes de Batman, bref, il faut que j’essaie.
Je suis avec ma pote journaliste qui a réalisé un reportage sur les raquettes pour l’émission À Bon Entendeur de la RTS; elle connaît donc le sujet, et elle connaît aussi par cœur le coin de Jura où nous allons. Heureusement qu’elle était avec moi, sinon je serais encore dans ce fameux coin à tournicoter quelque part entre les sapins, avec mes raquettes enfilées à l’envers – oui, il faut que le gligli pour fermer et serrer soit à l’extérieur, si jamais.
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Déjà, je me suis habillée plus chaudement que Roald Amundsen partant à la découverte du pôle Sud au début du XXe siècle. Grosses bottes fourrées, pantalon de ski par-dessus un legging, sous-pull et pull en laine, doudoune, bonnet et gants neufs, mais genre avec lesquels l’alpiniste franco-suisse Sophie Lavaud pourrait grimper ses 8000 mètres sans avoir froid. Alors que moi je vais faire une balade de deux heures à 1200 mètres d’altitude dans 10 centimètres de neige, à 560 mètres du bistrot à fondue. Je vois sortir ma copine de la voiture en jeans et petite laine polaire, pince à cheveux, tranquillou, elle se marre: «Tu vas crever de chaud. Ce n’est pas comme le ski, tu vas faire un effort.» Attention, spoiler alert: elle avait raison.
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Le bonhomme Michelin
Mais reprenons. J’emprunte des raquettes, moi je croyais qu’il y avait des tailles comme pour les palmes, mais en fait il n’y a que deux grandeurs, homme et femme, et après il faut enfiler sa botte dedans, ajuster et bien mettre le gligli à l’extérieur. Ensuite, on tire sur le fameux gligli et voilà, c’est prêt. Jusque-là, tout va bien, à part qu’il faut se baisser pour effectuer cette manœuvre. Et se relever, donc. Merci les bâtons. Je regarde devant moi et mon accompagnatrice est partie devant, hop hop hop, bon rythme régulier direct. Moi, derrière, je me sens complètement empotée, toute la grâce d’un bonhomme Michelin.
Ça monte et il faut appuyer derrière la raquette pour libérer le talon, comme sur les skis de fond, ça rend la chose plus facile. Toute seule, je n’aurais jamais su. En vrai, la montée n’est pas difficile, les raquettes adhèrent bien, il faut trouver le coup, mais c’est assez cool. Et joli.
Évidemment, je transpire comme un bœuf, même des mains, je vais attraper la mort si je m’arrête, alors je continue… et ouééé, il y a une descente! Seulement, ça ne sert à rien de dire ouééé parce qu’en raquettes, ça ne glisse pas, ça ne va pas plus vite, ça ne sert à rien de se mettre en position schuss. Non, c’est nettement moins sexy, il faut refixer son talon et «marche un peu comme si tu avais besoin de faire pipi aux culottes». Ok, on va faire ça et tâcher d’éviter de faire vraiment pipi aux culottes.
Plus loin, nous voyons une jolie pente de neige fraîche, un excellent endroit pour une photo. Ma copine s’occupe du cadrage: «Vas-y, non, plus à droite, non, plus bas!» Problème, j’ai re-libéré mon talon et donc je m’encouble, je perds l’équilibre et m’étale très élégamment dans la neige, qui est bien plus fraîche que moi. Le problème n’est pas de tomber, ça c’est plutôt rigolo, mais encore une fois de se relever, en espérant que le genou gauche, qui grince depuis quelque temps, daigne tenir le coup encore un moment (s’il pouvait tenir le coup encore heu… disons vingt ans, ce serait objectivement sympa, mais c’est peut-être beaucoup demander).
Au final, une super balade, il manquait la pause thé (on a foiré, on n’a rien pris avec nous), mais on se rattrape après, car il n’y a que deux lettres à changer pour passer de raquette à… raclette!
Il ne faut pas vouloir être performant et au maximum tout de suite”
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«Il n’y a pas d’âge pour commencer!» s’exclame Jean-Marc Dayer, ancien chef de course au Club alpin et moniteur ESA, qui organise des sorties en raquettes hebdomadaires pour seniors sous l’égide de Pro Senectute Valais. «Mais il ne faut pas vouloir être performant et au maximum tout de suite. Il faut apprivoiser l’activité. Nous avons des groupes où l’effort est plus modéré et des groupes plus entraînés. Notre participant le plus âgé a 86 ans!»
Définitivement, la randonnée en raquettes est un sport idéal pour les plus de 50 ans. «C’est assez doux et régulier, cela entretient le système cardiovasculaire, cela se déroule en pleine nature sur de beaux parcours en forêt, et il y a un aspect convivial. Au début, le groupe de 15 ou 20 personnes peut faire peur, mais après les gens apprécient beaucoup.» Y a-t-il des contre-indications? «Pour quelqu’un qui est en bonne santé et qui n’est pas sédentaire, il n’y a pas de problème, précise Jean-Marc Dayer. S’il y a des doutes, notamment sur les fonctions cardiorespiratoires, il faut demander l’avis de son médecin. Avec les débutants, on commence par des sorties de 45 minutes, sans grosses montées, les gens sont encadrés par des moniteurs spécialisés qui sont reliés par radio, c’est très sécurisé. Tant qu’on peut parler ou sourire, ça va ! Ensuite, avec les plus aguerris, nous effectuons des sorties qui peuvent durer jusqu’à 4 heures, avec 350 mètres de dénivelé, et nous montons parfois à 2400 mètres.» Mais rassurez-nous, vous faites des pauses? «Évidemment! Si on est essoufflé, on s’arrête un peu. On admire le paysage et on recommande toujours de boire, voire de manger une petite barre énergétique. Mais le coup de blanc, c’est seulement à la fin!» s’amuse le moniteur.
Quel équipement?
Et quid du matériel, comment s’équiper? «Il faut avoir des raquettes en bon état, ni rouillées, ni déglinguées avec la fixation qui branle, et avec des picots bien en place. Des chaussures imperméables, adaptées aux conditions, au froid et à la neige. Une paire de bâtons télescopiques, avec des rondelles larges. Une tenue de montagne avec des couches que l’on peut enlever si on a trop chaud, et un sac à dos.»
Et les conseils de base, à respecter absolument si on veut se lancer? «Règle numéro un, ne jamais partir seul. On est à la montagne, il peut y avoir une chute. À nos âges, ce n’est pas simple de se relever. D’ailleurs, durant nos sorties, nous proposons des exercices pour apprendre à se relever et aider quelqu’un à se relever. Ensuite, il ne faut pas acheter de raquettes tout de suite, mais d’abord en louer, pour essayer. Commencer tranquillement, viser un rythme confortable et, après, on adapte l’intensité, les parcours, les durées, les montées. Il faut surtout s’écouter et se faire plaisir.»