publicité

Drôle de «Désalpe» au Théâtre du Jorat

Blaise Willa, Directeur de publication et rédacteur en chef - lun. 01/07/2024 - 10:47
Le dramaturge Antoine Jaccoud s’infiltre avec humour dans les failles béantes de notre merveilleuse société d’humains. Ses textes grinçants et souvent désopilants sont sur la scène du Théâtre du Jorat, avec notamment Marthe Keller et Mathieu Amalric.
Antoine Jaccoud Théâtre du Jorat
Scène du spectacle Désalpe, du grinçant Antoine Jaccoud. © DR

Courez-y: les textes d’Antoine Jaccoud, écrivain et dramaturge vaudois – il écrit pour le théâtre et le cinéma, notamment pour Ursula Meier – sont des bonbons acidulés qu’on aime détester et qu’on finit par adorer. Détester parce qu’ils disent tout haut ce que nous sommes en bas: des êtres humains pitoyables, pétris de contradictions et d’errances, propices aux petits arrangements. Adorer parce qu’on rit, jaune, mais, in fine, sans plus aucune gêne: Antoine Jaccoud nous met à poil avec une réjouissante ardeur et une rare lucidité. Tiens, on lui dirait presque merci. 

Là, cet été, ce sera un premier texte qui raconte, au son des quatre cors des Alpes, la disparition de la neige dans nos stations de ski en raison du réchauffement climatique. En mots cristallins, poétiques et foutraques, Antoine Jaccoud dit la fin de l’or blanc et les « réfugiés climatiques » que sont devenus, en bas, les moniteurs de ski et les hôteliers valaisans désormais désœuvrés.

publicité

Travail de deuil

«Ce texte faisait rire en 2011, lors de sa création, peut-être moins aujourd’hui», raconte Antoine Jaccoud, qui évoque Les Rasses et le bandeau de neige de 1,5 mètre de largeur sur lequel les gens skiaient il y a dix ans déjà. «Ce qui me frappe, c’est cette obstination devant le réchauffement, ce déni et cette cécité. Il y a 300 petites stations qui ont fermé en Suisse, le travail de deuil avance…»

Monologue polyphonique tenu par trois personnages qui incarnent ce peuple du haut, ceux qui connaissaient, autrefois, «les mulets, la messe et le tétanos», et ces mêmes qui allaient devenir les «mondialisateurs» des montagnes, avec le béton et les remontées mécaniques. On rit, il y a l’assiette skieur, la main sur les fesses au départ du téléski, puis la neige qui fond, qui disparaît. Une tragédie drolatique qui nous fait passer du froid au chaud, puis du haut au bas.

Antoine Jaccoud sera aussi là en septembre, avec sur scène Marthe Keller et Mathieu Amalric, pour qui il a écrit Adieu aux bêtes, un texte sur les animaux. Non, plus précisément, sur la position antispéciste «prise à la lettre». «J’avais rencontré un militant antispéciste qui avait un chat et en avait honte, car il ne pouvait pas garantir qu’il y avait consentement mutuel. Le chat était là, mais lui ne savait plus quoi faire… J’ai proposé à Marthe et Mathieu de monter un texte sur ce thème, ils étaient contents de travailler ensemble. Je fais parler les animaux, c’est simple et ça régale. C’est aussi vieux que La Fontaine!»

Imaginez donc le dialogue philosophique que peuvent avoir, devant l’abattoir, un taureau que l’insémination artificielle généralisée a privé des plaisirs de la chair (Amalric) et une vache de l’Emmental (Marthe) qui n’a dû ses performances laitières qu’au kidnapping systématique de ses veaux (sic)…

Le même soir, un deuxième texte narrera l’histoire d’un homme venu prendre congé de ses deux fils partis pour Mars. Deux lectures avec la violoncelliste Sara Oswald.

Lucides, ces textes d’adieux abattus et comiques – c’est un peu la spécialité de Jaccoud – sont là pour penser demain, pour se penser, pour rire et peut-être (soyons optimistes) réfléchir la moindre. Autrement dit, des textes indispensables.

Le programme

Théâtre du Jorat, Désalpe, 30 août.

(Juste) avant et au revoir, 7 septembre (textes lus par Marthe Keller et Mathieu Amalric).

Atelier d'écriture avec Antoine Jaccoud: Vous avez toujours eu envie d’écrire ? La question de notre relation aux animaux vous parle ? Rendez-vous au Zoo de Servion (VD) le samedi 31 août en compagnie d’Antoine Jaccoud. Plus d’infos ici

En lecture
Drôle de «Désalpe» au Théâtre du Jorat
publicité