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Culture

«Mitridate, re di Ponto», premier opéra de Mozart, à Lausanne

Jean-Jacques Roth, Journaliste - lun. 10/02/2025 - 11:01
La précocité du génie de Mozart éclate dans «Mitridate, re di Ponto», son premier opéra, écrit pour Milan en 1770. L’Opéra de Lausanne l’affiche dès le 23 février avec une belle distribution.
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart à 14 ans Mitridate, re di Ponto à Lausanne
Dans "Mitridate", tout le génie de Mozart s'exprime déjà alors qu'il n'a que 14 ans. © DR

Comme toujours chez Mozart, on n’en croit pas ses oreilles: comment un préadolescent de 14 ans a-t-il pu écrire un opéra aussi achevé, brillant, et si singulier déjà, que Mitridate, re di Ponto? Bien sûr, il s’agit d’une commande, et le livret lui a été imposé par le Teatro Regio Ducale de Milan, l’ancêtre de la Scala. Bien sûr, Mozart se plie aux canons de l’opera seria, avec sa succession d’airs virtuoses et de récitatifs. Mais il ne se contente pas d’imiter: il impose déjà sa signature par la puissance expressive des airs et la tension dramatique de l’orchestre.

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Comme toujours, Mozart travaille vite. Il ne rencontre les chanteurs qu’en octobre, pour une première agendée fin décembre, à l’occasion du Carnaval. L’équipe vocale est exceptionnelle: le compositeur va donc accumuler les airs virtuoses, destinés à valoriser le panache des prime donne et des deux castrats qui endossent les rôles des frères ennemis Sifare et Farnace.

L’intrigue est racinienne au possible, avec ses nœuds de passions contrariées et ses conflits de loyauté. Il s’agit ici du roi Mithridate, figure historique qui dominait le Pont depuis la Tauride – l’actuelle Crimée. Il résista aux Romains jusqu’à sa défaite devant Pompée en -65 avant Jésus-Christ. Mithridate était un tyran, mais ce n’est pas la dimension que la pièce, ou l’opéra, met au premier plan. Il n’était pas encore pensable, à cette époque, d’évoquer le despotisme des puissants.

Mais Mithridate est manipulateur. Au début de l’opéra, on apprend ainsi qu’il est mort au combat contre les Romains. Son fils Farnace propose alors à son frère de pactiser avec l’ennemi et de monter sur le trône. Loyal à son père, Sifare refuse. En réalité, Mithridate revient: sa feinte était destinée à tester la loyauté de ses héritiers. Sifare obtient donc ses faveurs, alors que Farnace est emprisonné. Mais les choses se corsent quand l’amour s’en mêle, car Mithridate compte épouser Aspasia, alors que celle-ci aime Sifare, qui le lui rend bien.

Dilemme, déchirements: de nombreuses péripéties menaceront les jeunes amants avant que Sifare vole au secours de son père, alors que les combats reprennent contre les Romains. Et Farnace, pris de remords, assure la victoire et sa rédemption en incendiant la flotte ennemie. C’est le seul happy end des pièces de Racine – en réalité, Mithridate fut bel et bien trahi par son fils Pharnace et tenta de s’empoisonner pour échapper au déshonneur, mais habitué au poison, qu’il ingurgitait par petites doses pour s’en prémunir, celui-ci n’agit pas. C’est donc à lui qu’on doit le terme de «mithridatisation». 

Mitridate a connu un beau succès à sa création. Mais les grands opéras de Mozart l’effaceront pendant longtemps des mémoires. C’est dans les années 70 du siècle dernier qu’il a ressuscité. L’ouvrage est donc revenu en grâce. Mais il lui faut des chanteurs virtuoses, capables de sauter deux octaves tout en faisant vivre l’exceptionnelle richesse expressive des airs et des récitatifs, alternant fureurs et douceurs. Les castrats ayant disparu, les deux frères sont parfois chantés par des contre-ténors, mais le plus souvent par des voix féminines. 

Ce sera le cas à Lausanne, avec en tête de casting le ténor Paolo Fanale, qui incarnera Mithridate.

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