Faut-il taxer les boissons sucrées?
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Le débat politique de générations du mois de mars 2025.
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C’est une mesure importante pour lutter contre le surpoids”
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Taxer les sodas, est-ce une véritable réponse à la pandémie d’obésité?
Laurence Fehlmann Rielle (POUR): Parallèlement à l’aspect comportemental (sensibilisation), des mesures structurelles, comme celle-ci, sont nécessaires. Elle me semble importante pour lutter contre le surpoids, dans la mesure où ces boissons qui ont une forte teneur en sucre ne représentent pas un aliment de base et sont souvent consommées par les jeunes. On sait en outre que les habitudes – et addictions – alimentaires se prennent assez tôt.Pourquoi ne pas taxer d’autres aliments, comme les yogourts?
Il faut bien commencer quelque part et voir les effets que cela peut avoir. Il y a quelques années, la Déclaration de Milan, qui repose sur le volontariat des entreprises, proposait de diminuer le sucre dans les céréales et les yogourts, mais cela n’a malheureusement pas beaucoup changé les choses.La taxe serait de combien?
Dans un premier temps, l’idée est de poser un cadre général. Au Royaume-Uni, l’industrie a diminué la teneur en sucre pour échapper à la taxe et ne pas renchérir le prix des sodas. Les gens boivent maintenant des boissons moins sucrées.Où irait l’argent récolté?
Il serait affecté à la promotion de la santé. On peut imaginer une baisse du prix des fruits et légumes.Ne craignez-vous pas un report sur les édulcorants de synthèse, pas meilleurs pour la santé?
C’est pourquoi on pourrait aussi imaginer les taxer.Pourquoi la Suisse est-elle réfractaire à une taxe?
Le lobbying de l’industrie des boissons rafraîchissantes est puissant. Quand on propose des mesures de prévention au Parlement, on se confronte à une coalition entre les différents acteurs de l’agroalimentaire, qui privilégient les intérêts économiques plutôt que la santé publique. Mais n’oublions pas que cela a aussi pris du temps avant que certaines mesures pour lutter contre le tabac soient mises en place, mais que, finalement, elles ont porté leurs fruits, même s’il reste beaucoup à faire!
Taxer le sucre peut conduire à des effets paradoxaux”
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Vous estimez qu’il n’est pas nécessaire de taxer les boissons sucrées…
Simone de Montmollin (CONTRE): Contrairement à la cigarette, le sucre est une denrée alimentaire stratégique, pour laquelle le Conseil fédéral prescrit des stocks obligatoires. Taxer le sucre ou les produits transformés contenant du sucre pour dissuader d’en consommer est une mesure sans nuance, qui pénaliserait plus fortement les bas revenus.Cette mesure ne serait-elle quand même pas dissuasive?
La taxe sur le sucre au Royaume-Uni a bien conduit à une légère baisse de la consommation de boissons sucrées dans un premier temps (près de 9,4%), mais elle a aussi entraîné un recours accru aux édulcorants artificiels, dont la sécurité à long terme soulève des préoccupations. En outre, la recherche suggère que leur consommation pourrait augmenter la tolérance au goût sucré et, contrairement au sucre naturel, ne déclencherait pas les mêmes réactions dans le cerveau en termes de libération de dopamine, ce qui peut maintenir une certaine insatisfaction et pousser à consommer davantage de produits plus sucrés ou contenant des édulcorants. Taxer le sucre peut donc conduire à des effets paradoxaux.Dès lors, quelle solution préconisez-vous pour lutter contre la pandémie d’obésité?
Favoriser une consommation de sucres raisonnée nécessite des mesures ciblées et différenciées auprès des groupes cibles. Le véritable objectif est de réduire la dépendance au goût sucré: rééduquer les papilles gustatives à apprécier des saveurs moins sucrées et diminuer progressivement le seuil de douceur nécessaire pour satisfaire notre palais. C’est ce à quoi se sont engagées les 24 entreprises agroalimentaires suisses signataires de la Déclaration de Milan. Entre 2019 et 2024, la teneur en sucre dans les yogourts, sérés, boissons lactées et rafraîchissantes a été réduite de 10%, et de 15% dans les céréales de petit-déjeuner. De nombreux nouveaux produits sont disponibles avec une teneur en sucres significativement plus basse ou sans sucres ajoutés. Il faut poursuivre cette approche globale, qui inclut non seulement la réduction du sucre, mais aussi une rééducation alimentaire.