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Opinion

Faut-il généraliser le congé menstruel?

Frédéric Rein, Journaliste - ven. 01/03/2024 - 10:03
L’Espagne fait figure de pionnière, la France y réfléchit, Zurich mène un projet pilote, alors que les villes de Fribourg et d’Yverdon-les-Bains ont décidé de franchir le pas. Permettre aux femmes souffrant de règles douloureuses d’avoir des jours de congé payé commence à faire son chemin.
débat congé menstruel
En Suisse romande, les villes de Fribourg et d'Yverdon-les-Bains ont franchi le pas du congé menstruel pour leurs employées. © iStock

 Le débat de générations du mois de mars 2024.

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Le monde du travail n’est pas adapté aux personnes qui ont leurs règles”

débat congé menstruel pour contre
Ella-Mona Chevalley
Conseillère communale Solidarité & écologie à Yverdon-les-Bains (VD)

Pourquoi avoir proposé ce congé menstruel en faveur du personnel de votre administration?
Ella-Mona Chevalley (POUR):
Car le monde du travail n’est pas encore adapté aux personnes qui ont leurs règles, soit quand même près de 50% de la population! Si elles avaient pu en bénéficier, nos prédécesseuses auraient disposé de meilleures conditions. Son but est de permettre de s’absenter sans discrimination, sans être mal vue par son employeur. 

Cela ne risque pas de devenir une source de discrimination à l’embauche ou en cas de promotion?
Au contraire. La discrimination vient de la méconnaissance du cycle menstruel, d’où l’importance d’accompagner cette mesure d’une sensibilisation de l’ensemble du personnel. Les menstruations et les douleurs qu’elles peuvent causer ne doivent plus rester taboues.

Qui paiera?
A priori, la mesure ne devrait pas porter de coûts directs. D’une part, car le travail non effectué pourra en partie être réorganisé en interne, comme lorsqu’une personne doit s’absenter; d’autre part, parce que le nombre de jours est fixé à trois par mois, avec un maximum de douze sur l’année. Cette durée pourra toutefois être dépassée si besoin, suite à une discussion avec les ressources humaines. Cette limite peut aussi inciter à faire des investigations pour trouver des maladies non diagnostiquées, comme l’endométriose. Il faut voir le congé menstruel comme un droit, au même titre que le congé maternité.

Ne craignez-vous pas les abus?
Comme pour tout type de congé, s’il y a une suspicion d’abus, ce sera aux ressources humaines d’investiguer. Mais je crains plutôt que, au départ, les personnes qui y auront droit n’osent pas demander ce congé.

Cette mesure pourrait-elle se généraliser?
Je l’espère. Il s’agit pour nous d’une opportunité de montrer l’exemple à l’ensemble du monde du travail. La Municipalité d'Yverdon-les-Bains va d’ailleurs monitorer la mesure, afin d’évaluer ses effets. Ce congé représente un véritable argument de recrutement.

Il faut promouvoir la santé des femmes, mais sans imposer de nouvelles contraintes”

débat congé menstruel pour contre
Line Pillet
Directrice de l’institut Entrepreneuriat & Management HES-SO (VS)

Pourquoi êtes-vous opposée à un congé menstruel?
Line Pillet (CONTRE): Si tout employeur se doit de créer des conditions assurant la santé et la sécurité de ses équipes, imposer une telle mesure aux entreprises me paraît pour le moins cavalier et inopportun, en raison des conséquences organisationnelles, humaines et financières que cela pourrait entraîner. Nous devons trouver d’autres moyens de promouvoir la santé des femmes, sans imposer de nouvelles contraintes aux entreprises. Certaines ont déjà franchi le pas en proposant des mesures d’allègement horaire ou de télétravail.

Craignez-vous les abus?
De possibles abus ne sont pas à exclure, car comment savoir si c’est un vrai besoin ou juste l’utilisation d’un droit, avec le risque d’une augmentation des absences injustifiées dans un environnement économique déjà tendu, où les entreprises doivent faire face à des défis multiples, tels que le manque de personnel ou la hausse généralisée des prix.

Les règles douloureuses, n’est-ce toutefois pas un problème sous-estimé à ce jour?
Poser la question d’un congé menstruel permet d’ouvrir le dialogue et de rendre visible ce sujet resté tabou. Ce dernier pourrait être traité dans le domaine de l’ergonomie ou de la médecine du travail, à l’instar d’autres thématiques comme les maux de dos ou les troubles liés au stress et à la charge de travail.

Ne s’agit-il pas d’un signe de progrès?
Des collaboratrices et collaborateurs en bonne santé et motivés sont la clé du succès d’une entreprise. Il est donc essentiel, avant toute chose, de connaître leurs besoins et d’en tenir compte, notamment dans les PME, où les absences ont encore plus d’impact que dans les grandes entreprises.

Est-ce que cette mesure pourrait se généraliser?
Les expériences menées à Zurich, Fribourg ou Yverdon permettront de mieux comprendre les implications d’une telle mesure avant d’ouvrir un débat sur sa généralisation.

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